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Chine. Ma vie au Xinjiang, le laboratoire chinois de la surveillance et de la rééducation

Courrier international Via https://theinitium.com/ Publié le

Un étudiant chinois en langue ouïgoure longtemps installé au Xinjiang a fui à l’étranger, ne supportant plus la surveillance dans la région autonome. Il témoigne dans ce document exceptionnel de l’encadrement politique de la vie quotidienne.

Pour des raisons de sécurité, les dates exactes du séjour du jeune homme ne sont pas précisées. Propos recueillis au Japon.

“Le Xinjiang tel que je l’ai connu quand j’y suis arrivé dans le cadre de mes études n’a plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui. Avant de me rendre dans cette province pour mes études, j’avais entendu dire qu’il y régnait un climat tendu, et j’éprouvais un peu d’appréhension de m’y installer. À mon arrivée toutefois, rien ne m’a particulièrement gêné, et ce jusqu’en 2016 [au lendemain d’une série d’attaques qualifiées de terroristes par les autorités chinoises], où d’un coup la situation a beaucoup changé, avec notamment la mise en place de toutes sortes de contrôles.

Montrer patte blanche à tout propos

Dans l’établissement où je suivais mes études supérieures, les règles de sécurité ont été renforcées de manière disproportionnée. Impossible d’entrer dans l’école, dans le bâtiment des salles de classe ou dans les dortoirs sans une carte magnétique, et tous les soirs nos chambres étaient inspectées. Pour les Hans [ethnie majoritaire en Chine], les choses pouvaient aller encore. Si on avait oublié son pass, on pouvait demander à l’élève qui partageait notre chambre de prendre en photo notre carte d’étudiant et de nous l’envoyer. Une chose totalement inenvisageable pour nos camarades ouïgours.

Dans Urumqi, la capitale de la région du Xinjiang, la sécurité a été renforcée de la même manière, avec des guérites partout, séparées de quelques centaines de mètres à peine. Dans les rues donnant sur le grand bazar d’Erdaoqiao, des policiers barraient le passage pour contrôler votre téléphone portable, que vous soyez d’origine han ou membre d’une minorité ethnique. Des contrôles de sécurité ont également été mis en place dans les centres commerciaux – ne parlons même pas des aéroports et des gares. Dans les quartiers commerçants, à chaque carrefour, devant l’entrée de chaque grand magasin, était postée une automitrailleuse. Tout cela sans compter les policiers antiémeute, arme à la main, en faction dans toute la ville. Je n’ai jamais vu autant d’automitrailleuses et de chars de ma vie que dans le Xinjiang.

Par-dessus le marché, il n’y a pas de 4G dans le Xinjiang. Seule la 3G est disponible, si bien que la vitesse de connexion à Internet laisse vraiment à désirer. Je trouvais toutes ces choses, qui affectaient mon existence au quotidien, vraiment pénibles, mais il fallait faire avec.

Pour un Ouigour, quitter le Xinjiang est compliqué.

Quant à mes camarades originaires du Xinjiang, beaucoup avaient envie de quitter leur province. S’il n’est pas difficile pour les étudiants ouïgours de quitter le Xinjiang actuellement, il est en revanche très compliqué pour eux de partir à l’étranger. Il existe à l’échelle du pays un “programme de sélection des talents issus des minorités nationales”.

Des camps de rééducation qui existent bel et bien.

“Je n’ose pas imaginer les conséquences si je n’étais pas venu ici. Il est probable que j’aurais suivi les extrémistes. Le parti et le gouvernement me sauvent”, a affirmé un Ouïgour retenu dans un “centre de formation” lors d’un reportage diffusé le 16 octobre sur CCTV, la chaîne de télévision centrale chinoise. Avec la diffusion de ce reportage, Pékin reconnaissait l’existence des “centres de formation”, selon l’appellation officielle. Hu Xijin, rédacteur en chef du Huanqiu Shibao, journal ultranationaliste, a posté sur son fil Twitter (interdit au commun des mortels en Chie) le 24 octobre une vidéo montrant la vie merveilleuse de femmes ouïgoures qui dansent, jouent au ping-pong, pleines de joie dans un de ces “centres”.

Pour sa part, la BBC livre avec le webdocument Hidden Camps une recherche extrêmement détaillée sur les camps établis dans le désert du Xinjiang depuis 2015. Elle s’appuie sur l’analyse d’images satellites par des agences d’architecture, sur une enquête de terrain et sur des entretiens avec des Ouïgours vivant à l’étranger après avoir été internés dans les camps. Selon la BBC, certains camps pourraient retenir jusqu’à 10 000 personnes. Des dimensions équivalentes aux plus grandes prisons des États-Unis.

 

Un million de détenus

“La Chine aurait envoyé près d’un million de Ouïgours dans des ‘camps de rééducation’ secrets, au nom de la lutte contre l’extrémisme religieux”, accusait Gay McDougall, avocate des droits de l’homme lors d’une audience du Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale, le 10 août à Genève. Dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang, les Ouïgours représentent 45 % de la population. Selon Rian Thum, professeur agrégé d’histoire à l’université Loyola de La Nouvelle-Orléans cité par The New York Times, la Chine aurait dépensé 680 millions de yuans (86 millions d’euros) depuis 2016 pour construire ces centres de détention. Elle a démenti pendant plusieurs mois ces informations, avant de reconnaître l’existence de “camps de formation professionnelle”.

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