13 Janvier 2020
Diaporama et vidéos en fin de page.
DJ: Bonjour Françoise.Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Originaire de Montréal, j’ai étudié en graphisme avant de travailler plus de trente ans à la Société Radio-Canada, principalement comme designer. Le désir de développer une démarche artistique valorisante et de parfaire ma connaissance des Arts, m’a amenée à poursuivre un certificat en arts visuels à l'UQAM ainsi qu’un programme court de 2e cycle en étude de pratique artistique à UQAR. Je poursuis présentement un D.E.S.S. (Diplôme Étude Supérieur Spécialisé) en art à UQTR, pour l’obtention d’une maitrise.
J’ai à mon actif plusieurs expositions solos et collectives. J’ai reçu plusieurs prix et mentions de mes pairs dont le grand prix Desjardins pour l’ensemble des œuvres de la série Anamorphose (2013).
Commentaire du jury : « Pour la prise de risque picturale constituée de formes en distorsion exprimant le trouble. Est-ce un regard sur l’humain d’aujourd’hui ? Pour le style graphique, épuré laissant la puissance de la couleur s’exprimer. » (Exposition Fête des arts - Saint-Basile-le-Grand.
En 2015 la série « Libre expression – sur les traces des expressionnistes » a reçu une mention honorifique à l’exposition Concours automnale de l’AAPARS.
Je participe régulièrement à des jurys pour la sélection d’artistes pour des symposiums, expositions et concours. J’ai été présidente d’honneur pour le symposium le Sentier des Couleurs de Saint-Pie en 2014.
Certains de mes tableaux font partie de collections privées.
Depuis 2010, je me suis investie dans la communauté artistique de la Vallée-du-Richelieu. J’ai occupé les postes de présidente de l’Atelier libre de peinture de Beloeil, et l'évènement La Fugue en Art, ainsi que le poste de vice-présidente de la Route des arts et Saveurs du Richelieu. En 2010-2011/2019, j’ai coanimé une émission à TVR9 qui s'intitule la Vallée des Arts, avec l'objectif de faire connaître les artistes de la région.
DJ: Quelle est ton histoire Artistique? La ou les raisons qui ont fait que tu en es arrivée là ?
Les arts visuels sont une source de vie et de création. C’est au décès de mon père en 1999 que l'Art a pris une place privilégiée dans ma vie, lui-même artiste, j’ai hérité de son matériel et j’ai bénéficié de son vivant de son amour pour l'Art. Ce fut le début de cette belle aventure comme artiste en art visuel. Ma passion s'est développée au gré de mes expériences artistiques où j’ai appris à maitriser les techniques des différents médiums de peinture et de sculpture. Peindre, sculpter et créer sont pour moi un mode d'expression qui me permet d'interpréter et transposer des émotions.
DJ: Sensibilité personnelle, familiale ou autre ?
Dans mon processus de création, il est essentiel que je me retire du quotidien pour habiter mon univers. Je désire renouveler mon regard et observer le réel autrement, en transformant l’image connue. Ma singularité peut devenir une question ouverte, un espace d’exploration et d’évolution. Mon processus créatif nait d’une recherche intérieure où le passé, le présent et le futur se confondent. Mes sujets sont une intrusion trompeuse et furtive de souvenirs passés et de rêves intérieurs.
DJ: Peinture, sculpture, y a-t-il une relation ? Quelle est ta préférence ?
Je n’ai pas de préférence, je suis à l’écoute du moment présent, en période de création un dialogue s’installe entre moi et mon sujet. Mes effigies surgissent et prennent vie à partir de mes croquis et ébauches faites en atelier avec modèles vivants. Pour créer l’atmosphère et transmettre l’émotion qui m’habite, le médium s’impose : que ce soit l’huile, l’acrylique, le pastel, l’aquarelle, l’estampe ou la sculpture. Passer d’un médium à l’autre permet de transformer et transfigurer les images. Une sorte de remédiation ou de « transmédiation », car chaque médium a son propre pouvoir expressif intrinsèque à lui-même. L’idée du passage d’un médium à l’autre se présente comme un processus de métamorphose, tout comme notre image est culturellement en constante transformation.
Mon intuition et mon imaginaire sont au service de ma créativité. Présentement, bien que je sois ancrée dans les techniques traditionnelles, je suis à la recherche de nouvelles technologies pour amener ma démarche artistique dans une nouvelle dimension.
DJ: Peux-tu nous expliquer, ton ou tes styles de prédilection ?
J’aime définir mon style « allusif » ; un mélange d’allusion et figuratif.
Mon processus créatif nait d’une recherche intérieure où le passé, le présent et le futur se confondent. Ma démarche est expérimentale, et évolutive en quête d’un équilibre entre instinct et recherche. Je veux transcender l’esthétisme, aller au-delà de la forme, à la frontière du réel et de l’imaginaire. M’abandonner à la « déconstruction » de mes personnages pour les recréer à travers ma sensibilité.
Mes œuvres ont ainsi un caractère singulier et mystérieux, donnant le sentiment d’être aussi vulnérables et intenses que les sujets qui les habitent. Les personnages se dévoilent émotionnellement déstabilisants et vivent dans un monde intemporel. En brisant le corps parfait je lui redonne une nouvelle morphologie et aura. Les formes en distorsion s’imbriquent les unes dans les autres et l’utilisation audacieuse des couleurs les réunit dans une dimension tout à fait kantienne où la beauté demeure subjective. Cet assemblage fait naître une autre lecture de l’image connue.
Ce processus d’hybridation permet d’inventer de nouvelles images, former de nouveaux corps qui prennent vie avec ma sensibilité. Se rajoute aux fragments une énergie créative, qui s’accompagne de souvenirs. Mon corpus d’œuvres faites jusqu’à maintenant est à l’image de mon vécu.
DJ: Quelles sont tes influences ? Artiste ou autre.
Je suis entre autres fascinée par le courant expressionnisme allemand. Mon travail ne fait que (pour)suivre la facture subjective de ces grands maîtres. Actuellement, étant en recherche-création, je dois dire que je suis interpelé par tout ce qui se fait en art visuel actuel.
Certains artistes contemporains m'inspirent dans cette voie, entre autres : Catherine Ikam, artiste plasticienne, considérée comme une des artistes précurseurs dans le domaine de la vidéo et de l’image virtuelle. Ses thèmes sont plus particulièrement ceux de l’identité et de l’apparence.
Theo Eshetu, artiste en arts visuels, pour qui la vidéo est le médium de prédilection. Il explore la nature de la perception et la complexité de l’identité. Il aborde aussi les thèmes de l’anthropologie et de l’histoire de l’art.
Aussi Éric Rondepierre, artiste plasticien, photographe, qui porte ses réflexions sur l’image et le temps.
Je voudrais aussi nommer quelques auteurs qui me font réfléchir autrement à ma pratique : Maxime Coulombe, Jean-Jacques Wunnerburger, Hans Belting, Antonio Damasio, Jean-François Mattéi pour ne nommer que ceux-ci.
Je m’en remets aussi à une réalité de référence, que ce soit : des souvenirs personnels, historiques, culturels, de la symbolique, ou du milieu socioculturel.
DJ : Il se dit que L'Art est un virus qui se transmet. Si c'est le cas, par qui l’aurais-tu attrapé ? Et à qui tu l'a transmis ?
Comme mentionné au début mon père était un artiste, il dessinait de façon magnifique et ses peintures reflétait sa sensibilité. Je pense avoir hérité de sa passion et de son talent. Pour la suite, je dois dire que mon fils fait de la très belle photographie. Maintenant grand-mère peut-être que je transmettrai ce virus à mes petits-fils …?
DJ: Y a-t-il un message que tu aimerais faire passer à travers tes œuvres ?
Transformer la perception de l’œuvre indépendamment de la vérité absolue afin d’entraîner le spectateur dans une expérience intime. Faire vivre l’œuvre en faisant appel à un autre regard pour aller au-delà des sentiments, des émotions et des appréhensions du connu et du vécu.
Je cite Maxime Coulombe, Le plaisir des images, PUF (2019) : « Il nous faut apprendre à nous attarder aux souvenirs et aux émotions que les images font naître en nous : non seulement une telle attention rend ces émotions plus vivides, mais elle nous permet aussi de réfléchir à la raison pour laquelle elles nous touchent ».
Selon toi quelles sont les qualités principales que doit avoir un Artiste?
Je pense qu’il y a qu’une seule qualité pour être Artiste, c’est la passion. J’ajouterais à cette qualité que l’Artiste doit toujours se surprendre, toujours se réinventer.
Parmi tes réalisations, peux-tu nous présenter ton Coup de ‘cœur du moment’ et nous raconter son histoire ?
J’ai plusieurs coups de cœur, mais ce sont souvent les dernières œuvres produites qui m’interpellent le plus. Je vais vous parler de Représentation imaginaire, que j'ai travaillée en hybridant la vidéo et la peinture traditionnelle.C'est en faisant une recherche sur les simulacres que le livre « La puissance du simulacre - Dans les pas de Platon », de Jean-François Mattéi (2013) a donné naissance à mon projet. Dès le début du livre, Mattéi nous parle de l’allégorie de la caverne de Platon, ce fut pour moi alors une révélation pour ce projet. Je me suis inspirée du premier niveau de la caverne, celui des simulacres où la seule réalité des prisonniers se trouvait dans les reflets des marionnettes projetées sur les murs de la caverne.
J’ai exploré l’hybridation entre la peinture et l’art numérique (transformation de l’image et projection), l'image ainsi produite a ouvert sur un monde que je ne pouvais penser accessible auparavant. La mise en relation des images (photos et tableaux) et la projection vidéo performance m'ont permis de faire corps avec l’image et de l’incarner. Je suis devenue à la fois le modèle et la copie dans un rapport où mon intériorité et mon extériorité trouvent leur sens pour ne pas dire leur conjugaison. En intégrant mon corps comme médium dans le montage numérique, je me suis trouvée à incarner un personnage diégétique qui ajoute à ma sensibilité créatrice. Je découvre de nouvelles images et la possibilité de les habiter est intéressante. En entrant en relation par le mouvement et les gestes, à travers un dispositif technologique, j’agrandis mon univers visuel.
DJ: Quels sont tes projets à venir ?
Pour la prochaine année, je termine mon D.E.S.S. en recherche-création. Je dois préparer une exposition solo et l’écriture d’un essai de +- 25 pages. Tout mon temps y sera consacré.
Ce projet sera une recherche expérimentale d’autoportrait en hybridant les techniques traditionnelles ; peinture, dessin, estampe, sculpture et nouveaux médias ; photo numérique, vidéo et l’installation. Je veux réorganiser des fragments du passé, des souvenirs enfouis ou oubliés en de nouvelles configurations virtuelles pour en tirer des collages et des montages inédits.
Merci Françoise Falardeau pour avoir pris un peut de ton temps et répondre à mes question. DJ.
Lien : Françoise Falardeau
Lien : Facebook
Vidéo. Représentation imaginaire: Clic sur la photo.
TVR9 interview 03/09/2018. Clic si dessous :