22 Avril 2020
Alors que l'État s'apprête à lever de façon très progressive le confinement de la population dès le 11 mai, plusieurs questions sont en suspens dont celle liée à l'immunité collective et celle d'être contaminé deux fois par le virus. Les explications de Samuel Alizon, chercheur du CNRS au laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle.
Pour faire face à la pandémie mondiale du coronavirus (SARS-CoV-2), la stratégie du gouvernement français a été la mise en place de mesures de confinement très strictes depuis le 17 mars, plutôt que de parier sur l'immunité collective, avec comme objectif de réduire significativement la circulation du virus dans la population pour tenter de stopper sa propagation et éviter une saturation des services de réanimation.
Cette stratégie a « réussi pour le moment puisque l'épidémie est sous contrôle », nous explique Samuel Alizon, chercheur du CNRS au laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs. Le nombre de reproduction de base, le R zéro (R0), qui indique le « nombre d'infections secondaires engendrées par une personne infectée pendant la durée de son infection dans une population entièrement sensible », est passé de 3,3 en début de confinement à 0,5, indique l'Institut Pasteur dans une étude rendue publique aujourd'hui. Mais, si la circulation du virus est sous contrôle et tend à disparaître, du fait de ce confinement, la « population française n'est pas encore suffisamment immunisée ».
Si l'on se fie à l'étude de l’Institut Pasteur, on s'attend à ce que le 11 mai, seuls près de 6 % des Français devraient avoir été infectés par le SARS-CoV-2, avec une proportion plus importante en Ile-de-France (12,3 %) et dans le Grand Est (11,8 %) que dans le Grand Ouest par exemple.
On sera « très loin du niveau d'immunité de groupe nécessaire pour éviter une seconde vague si toutes les mesures de confinement devaient être levées ». Pour éviter la recrudescence de la circulation du virus, voire une seconde vague, « sans vaccin ou traitement, on estime que 70 % de la population doit avoir été infectée ». Ce seuil nécessaire pour « parvenir à une immunité de groupe et ainsi empêcher de futures épidémies », ne pourra évidemment pas être atteint d'ici au 11 mai. Si toutes les mesures de lutte contre le coronavirus étaient intégralement levées à cette date, le « risque d'une recrudescence du nombre de personnes infectées par le virus est grand ».
Tout l'enjeu est de limiter à 1 la valeur du nombre de reproduction de base, le R zéro. Si cette valeur se stabilise en dessous de 1, il est probable que « d'ici fin juin, début juillet il n'y ait plus de nouveau cas déclaré en France, à part les cas importés depuis l'étranger ». À partir du 11 mai, il sera nécessaire d'attendre un « délai de deux semaines environ avant de disposer d'indicateurs de mesure fiables pour mesurer l'impact du déconfinement sur la circulation du virus dans la population française ».
Quant à la durée de cette immunité collective et naturelle, elle est « encore en débat en raison de l'absence de recul nécessaire pour la mesurer dans le temps ». Pour rappel, ce virus a été découvert il y a seulement quelques mois, en décembre 2019. Bien qu'un consensus se dégage pour dire qu'à court terme cette immunité sera efficace, « au-delà d'un an nous n'avons aucune certitude ». Quant aux risques d'être contaminé deux fois par le SARS-CoV-2, ils sont « très faibles dans un intervalle de temps court ». L'absence de recul, « nous empêche d'avoir une vision claire sur l'évolution future de ce virus au-delà de quelques mois ». Cela dit, les rapports des différentes agences nationales ne font pas de cas de personnes qui « après avoir été guéries du virus auraient de nouveau été contaminées », sauf dans de rares cas et très spécifiques qui « peuvent s'expliquer par de mauvais diagnostics (faux positifs, par exemple) ou des conditions de santé particulières ».
Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews publié le 19/03/2020
Bien des mystères entourent la maladie du Covid-19. Peut-on l'attraper deux fois ou bien l'organisme est-il immunisé après avoir été infecté par le SARS-Cov-2 et pendant combien de temps ? Dans cette lutte contre la pandémie, la seule réponse possible semble être le vaccin, et tandis que se prépare le déconfinement, les tests sérologiques pourraient se muer en passeports d'immunité, soulevant ainsi des questions éthiques.
Cette question cruciale dans la lutte contre la pandémie n'a aujourd'hui pas de réponse ferme, même si les scientifiques espèrent qu'un patient contaminé soit immunisé contre le nouveau coronavirus au moins pendant quelques mois. « Être immunisé, ça veut dire que vous avez développé une réponse immunitaire contre un virus qui va vous permettre de l'éliminer. Et comme la réponse immunitaire a une mémoire, ça vous permet aussi de ne pas être réinfecté par le même virus plus tard », explique Eric Vivier, professeur d'immunologie à l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille.
De manière générale, pour les virus à ARN comme le Sars-Cov-2, il faut « environ trois semaines pour avoir une quantité suffisante d'anticorps protecteurs » et cette protection dure plusieurs mois, poursuit-il. Mais ça, c'est la théorie : le Sars-Cov-2, qui ne cesse de réserver des surprises, est trop nouveau pour permettre la moindre certitude. « Nous ne savons pas, nous pouvons seulement extrapoler à partir d'autres coronavirus et même pour eux, les données sont limitées », souligne Mike Ryan, directeur des programmes d'urgence de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS)..
Sommes-nous protégés après une infection à SARS-CoV-2 ? La ré-émergence de cas déjà infectés en Corée du Sud fait craindre une immunité faible après une infection au SARS-CoV-2. Alors que savons-nous de la réponse anticorps générée par notre organisme ? Tour d'horizon du sujet dans cette vidéo avec deux experts.
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